Une goutte de sang s'échappe d'entre mes jambes et tombe sur les carreaux blancs de la salle de bain. Ce n'est pas la première fois mais c'est le début;
J1
En tombant, la goutte éclate et laisse sur le sol blanc plusieurs tachelettes écarlates. Une autre goutte suit la première avec le même allant, puis une autre qui décide d'emprunter un autre chemin. Elle longe la cuisse, le genou, mais ne tombera pas plus bas. Alors, je ne suis plus lisse.
Je pose mon gros orteil dans la petite flaque qui se forme entre mes pieds et trace, avec maladresse, d'un geste vif de la jambe, un éclair de sang rouillé.
C'est la foudre qui s'abat sur mon monde, c'est l'orage.
L'orage dedans, l'orage dehors.
A ce stade de mon aventure, l'horizon se voile, les voix se troublent et je vais fermer les boutons de mon grand pardessus de femme, d'épouse, de mère et d'amie.
Sous le pardessus reste l'animal que je suis.
La nature reprend une fois encore le dessus.
Elle a gagné. Elle gagne toujours.
Elle s'empare de mon corps, fait gonfler mon ventre, le presse, y plante une épine; elle tire sur mes seins, tend mes reins, s'immisce jusque sur mon visage pour faire sortir, prêt de ma bouche, le phare qui guidera tous les égarés du monde. Dame nature n'en a pas fini car c'est de mon esprit qu'elle se régalera le plus. Je l'imagine au-dessus de moi, ouvrant mon crâne pour y mettre un cocktail sombre, qu'elle tassera bien pour en faire entrer le plus possible. Sa recette, elle la travaille: Une dose de lassitude, une pincée de fébrilité, une grande louche d'hystérie, une autre de susceptibilité, un seau d'agacement....
Je suis son cobaye et elle se perfectionne.
Je ne me bats plus sous mon grand pardessus;
je patiente, amère.
Sous mon grand pardessus, j'attends que la nature ait bien rigolé.
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